Fu Lin, instructeur au Wu Shu Quan, bloqué par Shi De Cheng.
Shao (petit) Lin (forêt) Si (temple). La prononciation japonaise de ces caractères
est aussi célèbre : Sho Rin Ji.
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Voyage à Shaolin
Pratiquer le Kung Fu à Shaolin même, n'est-ce pas un rêve que partagent bon nombre de
pratiquants d'Arts Martiaux ? Mais Shaolin existe-t-il vraiment tel qu'on se l'imagine à
travers les films ou les articles exhibant le temple et ses fameux moines, souvent
présentés comme inaccessibles tant par mysticisme que par simple éloignement
géographique ? Ce rêve est-il si loin de nous, occidentaux ?
Géographie de Shaolin
Shaolin est une simple rue de quelques kilomètres de long, bordées de dizaines d'écoles
de Wushu, menant au célèbre temple (Shao Lin Si), ainsi qu'à la forêt de pagodes (Ta
Lin). Le temple est très touristique. Des bus défilent quotidiennement, drainant les
lieux de flots de touristes chinois et étrangers. Si vous séjournez à Shaolin, vous
sympathiserez sûrement avec les quelques occidentaux qui s'entraînent à la même
période que la vôtre. Cette petite famille permet une entraide intéressante sur de
nombreux points (échange d'idées - difficile avec les locaux si vous ne parlez pas
chinois, contacts, pratiques et habitudes locales comme le marchandage...). De nombreux
magasins bordent la voie qui mène au temple, vendant armes de kung-fu, tenues
d'entraînement (traditionnelles et modernes), et quelques produits alimentaires ou
d'usage courant. Shaolin est assez isolé : pas de banque, peu de services hormis quelques
postes téléphoniques; la ville la plus proche est à 60 kilomètres, soit 2 heures de
bus (qui ne vous coûteront que 8 à 10 francs). On trouve dès le carrefour avec les
routes menant à Zhengzhou et Luoyang des écoles immenses, ressemblant à des petits HLM
grouillant de jeunes en uniformes.
Le Wushu Quan
Quelques centaines de mètres plus loin on découvre, juste avant une barrière filtrante
pour les automobiles, d'immenses terrains d'entraînement en terre battue. Juste après
cette sorte de péage, on trouve le célèbre Wu Shu Quan (ou Shaolin Wushu Center),
centre d'entraînement de haut niveau. Là s'entraînent les plus fameuses équipes de
démonstrations qui parcourent la planète, sous la férule de coaches souvent issus du
temple. Ce centre comprend un hôtel (luxueux pour l'endroit), un restaurant (cher), et
surtout un centre d'entraînement digne d'un film d'arts martiaux, avec salles
intérieures bondées d'armes, salle de démonstration, surface de combat extérieure
surélevée, poteaux et autres constructions destinés aux exercices quotidiens. En face
se trouve un très grand terrain de démonstration avec des gradins à la " stade de
foot " : l'école du moine Shi De Yu. Le centre propose des cours particuliers aux
étrangers à la journée, pour le prix de 20 dollars américains (soit env. 30 francs de
l'heure à raison de 4h par jour pour les débutants). Le professeur vient en général du
temple Shaolin, et les leçons privées se déroulent dans de très bonnes conditions. Le
niveau technique des entraîneurs est plus qu'impressionnant. Avec un peu de chance, vous
vous entraînerez dans la même salle qu'une des équipes de démonstration, et leurs
prouesses ne pourront que vous surprendre.
Le Temple Shaolin
Plus loin sur la route, on croise encore d'autres écoles et d'autres terrains vagues
foulés par les centaines de jeunes pratiquants. Puis de nombreux restaurants très bon
marché se succèdent. Après ces quelques auberges apparaît la cour de l'entrée du
fameux temple Shaolin. En général bondée de touristes se faisant photographier dans les
positions les plus exotiques, elle est l'image que tout le monde connaît du Temple
Shaolin, avec le célèbre écriteau doré, les murs rouges, les statues de lions gardant
l'accès, les fenêtres latérales rondes, etc... Le temple n'est pas immense, il se
découpe en 7 bâtiments parallèles destinés au culte, comprenant la célèbre salle
dont le sol fût déformé par les entraînements des moines. Dans quelques bâtiments
latéraux vous trouverez quelques produits bouddhistes à la vente. A l'issue d'une porte
on peut découvrir des pratiquants : en effet l'entraînement à l'intérieur du temple a
toujours lieu. Il vous est possible de vous entraîner pour des périodes d'au minimum un
à deux mois. Au delà du temple, le caractère touristique du site est poussé à son
paroxysme. Des dizaines de petites échoppes juxtaposées vendent les objets les plus
hétéroclites et inintéressants du monde, souvent sans rapport avec le lieu. La forêt
de pagodes n'est pas loin du temple et surprend par sa taille, imaginée bien plus grande
pour ceux qui ont vu les films avec Jet Lee sur Shaolin. En longeant le temple par la
gauche on peut rejoindre, après de longs et pénibles escaliers, la cave de Bodhidharma
(Tamo). Cette petite grotte de quelques mètres carrés est gardée par une nonne et offre
une vue magnifique sur toute la vallée du Songshan (" mont Song "). Au sommet
de la colline, la grosse statue blanchâtre de Tamo veille sur le temple situé en
contrebas. Autre attraction qui pourra occuper vos journées de repos : les Dragons'
lakes, petites vasques d'eau dans un paysage calcaire où les moines et instructeurs
viennent souvent pour des séances photos. Le lieu est calme, et se trouve au delà des
échoppes à touristes, dans la montagne après avoir gravi quelques chemins escarpés.
Shaolin, une atmosphère
Mais Shaolin c'est avant tout une ambiance ; une atmosphère martiale poussée à son
paroxysme. La population locale est ici uniquement pour les Arts Martiaux. Les rues sont
sans cesse arpentées par des jeunes guerriers répétant mécaniquement les gestes qu'ils
pratiquent quotidiennement. Les entraînements sont presque tous en extérieur, et il s'en
dégage un réel sentiment de détermination, d'implication et de dévouement total au
Wushu. Les instructeurs sont sévères, les exercices difficiles, les élèves poussés à
bout mais habitués et motivés. Les hébergements sont très précaires, les enfants
souvent entassés dans les dortoirs, l'eau rare, les toilettes communes et très sales.
Inutile de dire que sans une très forte motivation, les étudiants ne tiendraient pas ce
rythme de vie. Shaolin, on y va pour peaufiner son Kung-Fu lorsque l'on est expérimenté,
mais aussi et surtout pour pouvoir ressentir cette atmosphère guerrière hors du monde et
hors du temps. N'hésitez pas : prenez votre backpack, un billet d'avion et partez à
l'aventure.
Le logement
L'hôtel du Wushu Quan est le logement le plus luxueux de Shaolin, pour un prix
allant de 100FF pour une chambre simple à moins de 50FF/pers. en chambre triple (en
marchandant un peu). Le logement dans un autre hôtel ou dans des chambres d'hôtes coûte
entre 10 et 20FF par nuit pour une durée de plusieurs jours. N'hésitez pas à marchander
de manière drastique en vous basant sur les prix annoncés ci-dessus.
La nourriture
Le prix des plats au restaurant varient énormément selon votre origine. Il faut
donc les marchander avant de commander. Au Wushu Quan, les prix sont fixes et semblables
aux prix occidentaux, c'est à dire très onéreux pour la Chine. En revanche pleins de
petits restaurants offrent des plats pour des prix défiant toute concurrence. Juste avant
le temple, une succession de petites tavernes situés sur la partie supérieure de la
route proposent, au prix locaux (il faut parfois discuter pour obtenir les prix "
chinois " et non les prix pour occidentaux) par exemple des nouilles sautées aux
légumes pour 2FF l'assiette très copieuse. La bouteille de 60cl de bière vaut moins de
2FF. De nombreux vendeurs de rue proposent toutes sortes d'aliments à des prix pouvant
décupler selon leur humeur et votre comportement. Un petit déjeuner vaut entre 80
centimes et 2FF, pour un bol chaud de soja ou de riz trempant dans une excellente
mélasse, ainsi que deux ou trois beignets.
Le voyage
Un aller-retour pour Pékin se trouve aux alentours de 4000FF. Se renseigner auprès
de Voyageurs Du Monde (rue St Anne à Paris), de la compagnie aérienne russe Aeroflot, ou
en regardant les promotions selon les saisons. Attention : il vaut mieux s'y prendre assez
tôt (6 mois auparavant). Ensuite localement, il vous faudra prendre le train de Pékin
jusqu'à Zhengzhou (dans les 100FF), puis le bus jusqu'à Shaolin (2 heures, 10FF :
attention aux intermédiaires qui essaient toujours de vous vendre le trajet plus cher
pour toucher leur commission. Adressez-vous directement aux contrôleurs du bus).
Les équipements
Sur place vous pourrez trouver tout le nécessaire à l'entraînement : chaussures Feiyue
adoptée par 80% de la population locale (env. 20FF), pantalons de survêtements Li-Ning
(le Adidas chinois) allant de 15 à 40FF, ... Côté armes d'entraînement le
choix est vaste : sabre (env. 15FF), bâton (env. 4FF), chaîne (env. 10FF), pao (env.
40FF), doubles crochets (env. 60FF)...
Les classiques de l'entraînement à Shaolin
Le stretching est une base primordiale des entraînements à Shaolin. Les débuts de cours
ainsi que les moindres temps morts ou de récupération sont consacrés à des exercices
d'assouplissements des membres inférieurs. Le travail de l'écart latéral est sans
conteste l'exercice le plus courant.
La course à pied et les épreuves d'endurance tiennent une place importante dans le
conditionnement des étudiants de Shaolin. Tous les matins, à 5 heures, les écoles
débutent la journée par de la course en groupe, parfois en chantant. Selon les
programmes, les joggings peuvent être très éprouvants comme lorsqu'il s'agit de monter
jusqu'à la statue de Tamo culminant en haut de la montagne jouxtant le temple, et située
au bout d'innombrables et très raides escaliers. Parfois une journée entière est
consacrée aux exercices militaires (marches au pas, déplacements en groupe...) et à
l'endurance : des groupes compacts d'élèves courent sur un mini-circuit d'une vingtaine
de mètres de long jusqu'à la limite de l'épuisement et de l'évanouissement (qui arrive
parfois), sous les encouragements de leur camarades qui attendent leur tour...
Les répétitions de techniques en ligne est l'incontournable des débuts de cours. Des
enchaînements courts et codifiés, répétés inlassablement plusieurs fois par jour et
quotidiennement permettent au bout de plusieurs années une maîtrise totale des
techniques comme Titui (coup de pied de face jambe tendue), les coups de pied en
croissant, le balayage retourné au sol...et des positions de base comme Gong Bu (fente
avant), Ma Bu (le cavalier), ...
Les tao à mains nues font l'objet de cours spéciaux au même titre que les cours de tao
avec armes, de combat, ou d'acrobatie. Les élèves passent souvent un après-midi entier
à répéter, tous ensemble, sur les commandements de leur instructeur, un " tao
" (appelé quan) ou une séquence de ce tao. Les répétitions totales à vitesse de
combat sont fréquentes et fatigantes quand on voit le dynamisme que réclament ces
enchaînements d'une très haute technicité, alternant fréquemment positions très
basses, sauts et acrobaties...
Les tao avec armes sont aussi courants que les tao à mains nues. Les
armes les plus couramment pratiquées sur les terrains d'entraînement sont le bâton,
l'épée et le sabre. Les équipes de démonstration affectionnent aussi la chaîne, les
doubles crochets, le fléau à 3 branches... Tous les après-midi, sur un vaste terrain
situé derrière un porche à 50 mètres avant la barrière d'accès à la route du
temple, sont regroupés plusieurs centaines de jeunes, orchestrés par une quinzaines de
sévères instructeurs munis de haut-parleurs. Ils exécutent une forme avec bâton en
parfaite synchronisation sur une célèbre musique vantant les qualités des guerriers
issus de Shaolin.
Le Sanda, les combats avec protections et les cours de combat sont pratiqués aussi de
manière régulière. Les entraînements sont constitués de travail au sac, de travail à
deux avec pao (boucliers de frappe)... Des affrontements avec protections sont organisés
sur des tapis, l'amenée au sol étant très fréquente et recherchée. Les techniques de
projection sur attaques de pied font l'objet de nombreux exercices à l'entraînement. La
sévérité et la rigueur de ces entraînements est souvent extrême : il n'est pas rare
de voir des élèves blessés par leur instructeur car leur garde était trop ouverte ou
parce qu'ils manquaient de détermination ou laissaient échapper un signe de fatigue.
Les acrobaties sont bien plus fréquentes à Shaolin que dans n'importe quelle autre forme
d'arts martiaux. Les ateliers de gymnastique sont aussi nombreux que ceux de combat. Ils
offrent parfois des réceptions souples (tapis), des tremplins... et le panel de
techniques est très varié : saut de main, flip arrière, saltos, rondade, costal (roue
sans les mains), saut de carpe, chute amortie sur le dos, saut de tête, coups de pied
sautés (direct, latéral, retourné, ...), butterfly kick (avec ou sans vrille), ... sont
au programme.
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© Guillaume Morel |